Au cours de nos voyages, nous voyons des objets qui nous plaisent et lorsque nous le pouvons, nous les ramenons avec nous. Nos chambres d’hôtes en sont pleines. Nous vous racontons l’histoire de certains de ces objets. Ici, notre tapis “United Nations International Police”.
Nous l’avons dégotté à Izmir en 2014. Nous étions dans le grand marché, avec les enfants, à la recherche de choses intéressantes à acheter. C’est vraiment une de mes passions : acheter quelque chose d’inhabituel – de préférence unique et ayant une certaine valeur, en essayant de l’obtenir pour aussi peu que possible. C’est cette même impulsion qui pousse certaines personnes à sortir de nuit équipés d’un détecteur de métal ou encore de partir à la recherche d’anciennes épaves de bateaux. Mais lorsque votre terrain de chasse est un marché, le plaisir est décuplé par le fait que vous êtes face à un marchand qui a ses propres plans.
Cela faisait déjà plusieurs heures que nous tournions. Les enfants étaient prêts à nous suivre à condition que les glaces et les verres de thé à la pomme atterrissent dans leur gosier de manière régulière. Nous entrons chez un marchand de tapis situé dans un renfoncement à l’étage, pratiquement inaccessible. Un beau tapis de qualité coûte une petite fortune, si bien que je n’avais pas grand espoir de trouver quoi que ce soit. Mais dès que le marchand a posé l’oeil sur cette famille de touristes ayant l’air venus tout droit d’Europe, ses attentes à lui sont montées de façon instantannée. Il nous a pris dans un coin, servi du café turc et du thé à la pomme pour les enfants, et il a commencé à dérouler quantité de tapis que nous n’avions aucune intention d’acheter. Je ne pouvais m’empêcher d’examiner la pièce sous toutes les coutures. Des tapis étaient tendus sur tous les murs et même du plafond. D’autres étaient posés en piles sur le sol, empilés contre les murs, ces gens avaient un inventaire plus que sérieux et des pièces d’une grande qualité. Rapidement, sur le mur juste en face de l’endroit où nous étions assis, un tapis m’a tapé dans l’oeil. Il était à moitié caché derrière d’autres tapis d’allure plus traditionnelle. Mais de ce que je pouvais en voir, il avait la couleur et l’emblème des Nations Unies. Un tapis de l’ONU ! Je n’avais jamais vu de tapis de l’ONU avant celui-ci. J’ai immédiatement regardé ailleurs et j’ai bu mon café. Les propriétaires de la boutique et moi nous entendions maintenant comme larrons en foire. Ils m’ont dit que mes enfants étaient des anges et que ma femme était magnifique. Je me demande s’ils avaient une sorte de transaction spécifique à l’esprit. A ce moment, je me suis levé et j’ai marché directement dans la direction du tapis de l’ONU. J’ai soulevé les autres tapis pour mieux le voir. C’était un petit tapis d’un mètre sur deux, au tissage profond et dense, une bonne couleur et dessus, étaient imprimés les mots “United Nations International Police”. Je suis instantannément tombé amoureux. J’ai prétendu trouver l’effet très drôle et je leur ai demandé ce que c’était que cette chose, affectant une sorte de curiosité théorique. Ils ont pris un air perplexe. M’ont raconté que c’était un prototype qui avait été commandé par un homme dans le but de les commercialiser. Mais le prototype avait été rejeté… Il n’y a pas de police internationale des Nations Unies ! C’était une erreur, une grosse bourde et il était en train d’admettre qu’il ne pourrait jamais rien en faire. Comment autrement, aurait-il pu justifier de l’existance de pareil objet ? J’ai essayé de me mettre à sa place et je n’ai réussi à trouver aucune explication plausible. Alors je lui ai dit : “C’est amusant, mais il me plaît. Je t’en donne $100”. Il a tenté de résister et nous avons fini par lui donner $150 pour ce petit tapis unique, superbe et formidablement raté, qui orne maintenant le sol du studio anglais.
Je sais, il ne vient pas d’Angleterre.
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