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La vie pas si secrète de l’ibex nubien

Cela fait déjà trois semaines que le second confinement a commencé en Israël et pour m’occuper et garder un semblant d’hygiène de vie, je me suis lancée dans une nouvelle activité (quelque chose que les visiteurs apprécient toujours):   j’observe et photographie les ibex nubiens.

L’ibex (bouquetin) nubien – c’est toujours une fête de les voir

Le véritable habitant de la région, l’originel, c’est l’ibex nubien. C’est bien simple, il est tellement omniprésent dans le village que j’ai été surprise de lire il y a quelques mois qu’il faisait partie des espèces vulnérables. Chasse, perte d’habitat, changements climatiques. Il n’y a plus qu’une dizaine de milliers de specimen à travers le monde. Plus étonnant encore pour moi, a été de réaliser que selon le dernier décompte entrepris l’année dernière, la population du village et des alentours tourne autour de 325 bouquetins.  J’aurais parié qu’il y en avait beaucoup plus tant parfois, j’ai l’impression d’avoir croisé l’intégralité du troupeau dans une même journée! C’est bien simple, ils sont PARTOUT! 

Le décompte de cette année (qui est en train de se produire au moment même où j’écris ces lignes), devrait être nettement plus élevé. Nous avons eu beaucoup de pluies l’hiver dernier, ce qui signifie qu’un nombre important de nouveaux-nés auront réussi à survivre.  

D’un côté, leur présence est charmante. Ce sont vraiment de belles créatures, qu’on les regarde dans leur ensemble…

Ou qu’on choisisse de se concentrer sur l’une de leurs caractéristiques les plus adorables… Non mais regardez-moi ces délicieuses petites oreilles ! Et leurs chaussettes ! Leurs cornes (grandes et petites), leur barbichette, leur queue!  Tout dans l’ibex n’est qu’élégance.

Mais ne soyons pas leurrés par leur proximité, l’ibex reste un animal sauvage

D’un autre côté, ils se sont tellement habitués à notre présence qu’ils ne nous voient même plus et ne semblent plus avoir peur des humains (ce qui n’était définitivement pas le cas il y a 20 ans quand je suis arrivée dans le Néguev).  Les dommages qu’ils produisent dans nos jardins sont importants. Et ce n’est probablement qu’une question de temps avant qu’un jeune enfant soit victime d’un coup de corne.  

C’est pourquoi on ne répètera jamais assez à quel point il est important de ne pas essayer de les approcher, encore moins de les nourrir. Pour leur sécurité, il est aussi important d’éviter de laisser traîner ses déchets. De nombreux ibex ont déjà été retrouvés les intestins bouchés par un nombre incalculable de sacs en plastique qu’ils avaient ingérés.    

Vous pouvez les rencontrer un peu n’importe où dans le village, mais leurs endroits préférés restent le bord de la falaise et le très vert et très ombragé parc Ben Gurion (situé juste derrière les tombes de Paula et David Ben Gurion). 

Vous n’aurez pas besoin de les observer bien longtemps pour les capturer dans certaines de leurs postures les plus habituelles :

1. En train de manger

Le régime des ibex étant composé de plantes, il est si peu calorique qu’ils passent la plus grande partie de la journée à manger.  

Pour varier un peu des touffes sèches et épineuses qui parsèment les sols du désert, il leur arrive de chercher à élever leurs horizons…

Ceux qui ne sont pas assez grands pour atteindre les branches depuis le sol, n’auront aucun mal à grâcieusement grimper sur un arbre. Ils peuvent sauter jusqu’à 1m80 sans élan! Ils réussissent à atteindre des feuilles particulièrement élevées en sautant sur les murailles qui entourent les maisons. 

Mais parfois, c’est à se demander si d’en bas, ils n’ont aucune idée de l’état de l’arbre sur lequel ils s’apprêtent à grimper. Comme on peut clairement le voir, le choix de ce petit ibex n’était pas le plus judicieux.  

Mais peut-être qu’il a fini par trouver quelque chose à grignotter dans ce trou…

Il a certainement cherché à voir s’il ne pourrait pas trouver quelque chose un peu plus haut…

Avant de redescendre légèrement dépité.

2. Un regard fixe et magnétique

Les ibex passent aussi de longues heures à regarder devant eux fixement, de la manière la plus paisible qui soit, sans faire le moindre mouvement. Dès que vous approchez l’un d’eux avec un appareil photo, son regard se tourne vers vous et je vous mets au défi de ne pas détourner le votre avant l’ibex. Prennent-ils la pose? C’est fort possible. 

C’est avec la même intensité qu’ils peuvent regarder pendant des heures le paysage qui se trouve en face d’eux. A se demander s’ils en réalisent la beauté. 

Tout cela à un rythme très lent.

Mais si l’on considère la vitesse à laquelle ce jour-là, un groupe d’ibex s’est précipité au bord de la falaise  précisément au moment où le soleil faisait son apparition, je reste persuadée qu’ils se sont tous précipités pour ne pas rater le lever du soleil.  

3. Se gratter

De temps en temps, ils quittent leur position fixe et font un mouvement. Oh, rien de bien violent… Mais je n’ai pas pu m’empêcher de remarquer qu’ils avaient tendance à beaucoup se gratter.    

Vous voyez les petits carrés à rebrousse-poil sur le dos de celui-ci? 

Ils apparaissent lorsque les ibex utilisent leurs cornes pour se gratter le bas du dos. 

Mais heureusement, quand ça démange, ils ont plus d’un tour dans leur sac et ils utiliseront tout ce qui se trouve à leur disposition pour se soulager. Le museau, une patte, ou même une pierre ou un mur en crépis…

4. Ils courent et sautent aussi parfois

Je vous ai donné l’impression qu’il ne se passait rien? Ce n’est pas le cas du tout. De temps en temps, pour un bref instant, le calme intemporel qui entoure les ibex est perturbé. Un ou des ibex vont se mettre à courir ou à sauter grâcieusement.  

5. Allaiter

J’ai eu la chance de prendre cette photo au mois d’octobre, alors que c’est très inhabituel. En effet, les ibex mettant-bas au printemps, vous avez beaucoup plus de chance de voir une mère ibex allaitant son petit à la fin du printemps ou au début de l’été. On voit d’ailleurs bien que ce petit ibex est un peu grand pour l’allaitement, il fait pratiquement la taille de sa mère !

5. Les jeux

Les chevreaux, en particulier sont extrêment joueurs.  

6. La bagarre

La bagarre pour jouer

Tout au long de l’année,  on peut généralement faire entrer les bagarres dans la catégorie des jeux (ou de l’entraînement). Tout à coup, sans raison apparente, une querelle entre deux mâles éclate. Les cornes et les têtes s’emmêlent, les ibex se lèvent sur les pattes arrière en signe d’intimidation (bien souvent seul l’un des deux combattants prend la peine de le faire).  

Quant au reste du troupeau, il continue comme si de rien n’était à faire ce qu’il était en train de faire.  

Les vraies bagarres

Mais lorsqu’arrive la saison des accouplements, les rixes prennent une tournure plus sérieuse. Il faut dire que l’enjeu est grand puisque le vainqueur gagnera le droit de s’accoupler. 

Impossible de confondre une bagarre pour jouer d’une véritable lutte.  Les coups sont d’une violence inouïe, ils se dressent sur les pattes arrières à l’unisson, ajoutent des sauts d’intimidation bruyants et quand ils se regardent, on sent la fureur et tout l’enjeu de la compétition dans les regards.  On pourrait presque voir de la fumée s’échapper de leurs naseaux. 

Les bagarres de groupe

Il y a quelques jours, j’ai eu droit à une nouvelle sorte de spectacle : la bagarre de groupe.  6 mâles en mode batailleur s’étaient mis à l’écart du reste du troupeau et s’adonnaient à une joute des plus civilisées.  

Ils se battaient parfois par groupes de 3, les 3 autres regardant et attendant patiemment que l’un sorte du ring pour prendre sa place. Soit un contre un, auquel cas, les trois couples se battaient en même temps.  Le tout étant étrangement calme, comme s’il s’était agit d’une sorte d’exercice ou de répétition. Quelqu’un a d’ailleurs suggéré qu’il s’agissait sans doute de jeunes ibex qui s’entraînaient en vue de détrôner un mâle plus âgé lors d’une bagarre officielle qui aurait lieu plus tard. 

7. L’accouplement

Attention, avant de continuer à lire, vous voudrez peut-être éloigner les enfants de l’écran, ce post est en train de tourner à la pornographie dans la nature.  Un moment digne d’un documentaire de  David Attenborough. Si vous avez aimé la danse de séduction des oiseaux de paradis, vous allez adorer ce qui va suivre. 

Nous sommes en pleine saison des accouplements !

Au cours de ces dernières semaines, tous ceux qui observaient les ibex ont pu remarquer qu’il y avait pas mal de reniflement de derrière.  

Je me suis précipitée sur l’entrée des ibex nubiens de wikipédia qui m’a confirmée ce que je suspectais. Les femelles mettent bas autour d’avril. La gestation dure à peu près 6 lois. Le calcul est vite fait : c’est la saison des accouplements.  On l’appelle le rut.

Mesdames et Messieurs roulement de tambour, les photos que vous allez voir sont rares.

Je ne vous le cacherai pas, lors de votre visite à Sde Boker, vous avez très peu de chances de capturer ces instants. Le fait que j’ai réussi à le faire entre totalement dans la catégorie de la chance du débutant.  Mon ami zoologue, le Dr Haim Berger m’a même dit qu’à sa connaissance, il existe très peu de photos d’ibex en train de s’accoupler.  C’est la raison pour laquelle malgré la piètre qualité des photos (c’était très tôt le matin, il faisait encore presque nuit, je n’avais pas de trépied et ne voulais pas m’approcher, si bien que malgré tous mes efforts, je n’ai réussi qu’à obtenir des clichés un peu flous), j’ai décidé de poster tout de même ces photos.

Il faut dire que pendant près de trois semaines, j’ai tenté de réitérer l’expérience et je suis religieusement sortie chaque matin à l’aube. Mais il a bien fallut que je me rende à l’évidence, cela n’allait pas se reproduire si facilement. J’ai donc abandonné l’espoir d’obtenir de meilleures images, du moins pour cette année ! 

L’approche

Au pays des ibex, lorsqu’un mâle veut indiquer qu’il est prêt pour la bagatelle, il commence par tirer la langue. 

Pour tout dire, lorsque j’ai pris ces photos, je n’avais même pas réalisé que ces deux mâles tiraient la langue. Je ne l’ai remarqué qu’en regardant les photos sur grand écran.  

D’ailleurs, n’ayant aucune idée avant mes petites recherches qu’il s’agissait là d’un signe d’approche sexuelle, je ne cherchais pas particulièrement à le capturer.  

C’est donc tout a fait par hasard que je les ai prises, ce qui tend à montrer qu’en ce moment, les ibex mâle ont une légère tendance à tirer la langue…

Personnellement, je trouve cela plus effrayant que sexy, mais ça doit être parce que je ne suis pas une ibex.

Apparemment, lorsqu’il tire la langue, sa barbe secrète une odeur dont les femelles raffolent.  

Il va ensuite s’approcher d’une femelle et lui renifler le derrière.

Il veut probablement s’assurer qu’il va pas perdre son temps et que la femelle est bien féconde parce que d’après mes lectures, entre les combats et les rites de séduction, l’ibex mâle est si occupé qu’il trouve à peine le temps de se nourrir, ce qui pèse véritablement sur sa santé.  

Dans la plupart des cas, elle indiquera qu’elle n’est pas intéressée en partant, tout simplement (oui, il y a beaucoup de migraines au pas des ibex). J’ai aussi lu qu’elle pouvait signifier son refus en urinant, ce qui semble être un moyen des plus efficaces pour exprimer son manque de motivation. Il ne m’a pas encore été donné de voir ça!   

La cour

En restant sur place, la femmele indique qu’elle est prête. Commence alors une lente danse de séduction qui peut durer plusieurs minutes. Le mâle tourne autour de la femelle. La femelle tourne à son tour autour du mâle, ils font ainsi plusieurs tours. 

Au passage, ils pourront en profiter pour se frotter les naseaux (appelons cela un baiser passionné si vous êtes d’humeur romantique). 

L’acte

Ce n’est qu’à l’issue de cette danse que le mâle va se lancer. Je ne sais pas si c’est habituel mais dans ce cas, la première tentative était clairement ratée (il y a eu quelques autres échecs).  

Est-ce qu’il a fini par y arriver ? 

Nous ne le saurons jamais.

Une chose est sûre, c’est que c’est très rapide (à peine une poignée de secondes).

Le lendemain, j’ai pu ramener la preuve absolue que les enfants auront toujours tendance à imiter leurs parents… C’est un jeu très populaire en ce moment chez les petits ibex.

Voilà à peu près la somme de tout ce que j’ai pu observer ces derniers jours. Il y a de bonnes chances qu’ils vous proposent un show différent lorsque vous viendrez les voir. En tous cas, c’est ce qu’ils font pour moi chaque matin, me surprenant chaque jour un peu plus. 

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Auteur/autrice : Marion Krivine

French owner of Krivine Guesthouse in Midreshet Ben Gurion, together with my British husband John. A little piece of european greenery in the heart of the Negev Highlands, Israel. I have set out on this journey in order to provide our guests with the most accurate, up-to-date and comprehensive guide of the area.

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