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Ezra Orion

“Nul n’est prophète en son pays.”

Ezra Orion était un artiste israélien controversé. En 1988, lors d’une réunion au QG de la NASA à Washington, il a proposé d’ériger une ligne de pierres sur Mars à l’aide d’un véhicule spatial. 

Décrivant le projet, il a écrit: “Etant donné que le processus érosif sur Mars est d’une lenteur astronomique, ces lignes géométriques de pierres ne seront pas effacées avant des milliards d’années”.

Ce projet n’a naturellement pas été réalisé mais il a réussi à les convaincre de lancer des rayons laser dans l’espace à la poursuite de la verticalité et de l’infini. En Avril 1992, la NASA a lancé plusieurs rayons laser au centre de la voie lactée, qu’il a appelés  “Super Cathédrale 1”.  Pour lui, l’espace et le temps ne connaissaient aucune limite.  

Sde Zin était son atelier

Mais plus qu’un artiste, c’était un philosophe qui utilisait les pierres et la nature pour écrire ses pensées. Le plateau de Zin, au bord duquel nos chambres d’hôtes sont situées, était son atelier. On y trouve ses travaux un petit peu partout.

Il a produit ce qu’on appelle aujourd’hui des installations, il a écrit des livres et préparé des plans pour de nombreuses oeuvres qui n’ont pas été réalisées. Si vous voulez comprendre sa logique, ses intentions et sa vision, référez-vous aux critiques d’art (en anglais)

Sa vie dans notre village

Pendant plus de vingt ans, il a vécu dans la maison voisine de la nôtre. Tous les jours, on pouvait le voir faire de la course à pieds alors qu’il avait largement dépassé les 60 ans. Il était maigre mais tout en muscles et bronzé, il portait une barbe courte et fournie qui pointait vers l’avant. Il vivait seul, au bord de la falaise, dans une maison qui ne dépassait pas la taille d’un garage à deux places. Il m’arrivait de l’inviter à dîner. Il parlait d’une voie calme, sourde et monotone tout en mangeant – il n’attendait aucune contribution de notre part à la conversation – et à la fin du repas, il nous remerciait et rentrait chez lui. J’adorais être dans la même pièce que lui.  

Ezra est arrivé à Sde Boker il y a 50 ans. Il était déjà connu en Israël, si bien qu’il a été reçu avec honneurs et gratitude et qu’on lui a laissé carte blanche pour faire ce qu’il voulait de la falaise. A l’aide d’un bulldozer, il en a changé les contours afin d’engager le village avec le désert et réciproquement. Il a complètement remodelé l’espace public. Il a déposé des pierres de toutes tailles, en ligne ou isolées, pour attirer le regard vers des points spécifiques de l’horizon. Il a ouvert et développé des chemins de randonnée. Il a fait venir une compagnie de parachutistes et 50 kg de dynamite afin d’ouvrir la montée de Nahal Zin vers Hod Akev (le sommet pointu sur la photo de couverture du blog).  

Il a été l’un des principaux artisans de la création de notre lycée d’enseignement environnemental (institution très spéciale dont nous ne manquerons pas de parler ultérieurement). On peut dire que c’est lui qui lui a insufflé les valeurs qui l’anime encore aujourd’hui.  Chaque année, il organisait ici des séminaires qui attiraient les plus grands écrivains, penseurs et artistes du pays. Il a joué un grand rôle dans la rénovation du Parc des sculptures de Mitzpe Ramon.

Le service qu’il a rendu au Néguev a été reconnu par Ben Gurion en personne 

 

En lisant tout ceci, vous imaginez déjà qu’avec le temps, Ezra Orion est devenu le Sage du village, tenu en grande estime. Vous êtes certain qu’une rue ou un bâtiment portent son nom. Et bien pas du tout. A la fin de sa vie active, les habitants en ont eu marre de ses projets, et pour ne rien arranger, certains ont fait venir un bulldozer pour renverser son installation finale sous pretexte qu’elle était dangereuse. Je ne pense pas qu’Ezra l’ait pris personnellement. 

Les pierres désormais couchées de Sde Zin

Il était marié et a eu trois enfant. Il ne se mélangeait pas beaucoup avec les autres. On ne peut pas dire qu’il avait un cercle d’amis. Une vingtaine d’années après être venu s’installer ici, il a connu une tragédie personnelle et bien que ça ne l’ait pas ralenti dans son travail, il est devenu de plus en plus solitaire. Jusqu’en 2006 ou, affligé de démence, il a été emmené par sa famille dans le centre du pays où il est mort en 2015.  

Mon histoire préférée d’Ezra est la suivante :  pendant un temps, il a enseigné l’art au lycée qu’il avait contribué à créer. Un jour, ses étudiants lui ont suggéré que le fait de déplacer de la terre en pleine nature avec un bulldozer ne constituait pas de l’art. D’ailleurs, d’autres personnes dans le petit monde artistique d’Israël étaient d’accord sur ce point. La réponse d’Ezra a été d’organiser une excursion pour toute la classe sur le Mont Ardon, dans le Makhtesh Ramon.  Ils ont commencé la montée avant l’aube. Il y avait un brouillard épais et ce n’est pas une montée facile. Ils sont arrivés au sommet alors que le soleil s’apprêtait à se lever. Sur le sommet, se trouvait une des installations d’Ezra, un énorme rocher posé sur le bord occidental du plateau et qui à cette heure de la journée, produisait une ombre mouvante sur le cratère en dessous. 

“Ce n’est pas de l’art?” a-t’il demandé à ses étudiants.

“Non, c’est un rocher posé sur un plus gros rocher” ont-ils répondu.

“D’accord”, a répliqué Ezra, “Mais si ce rocher n’avait pas été placé à cet endroit, est-ce que nous serions là en train d’en parler?”

Quelques exemples des travaux d’Ezra Orion

Voici quelques unes des installations les plus connues d’Ezra Orion : 

Vous pourrez trouver ses travaux un peu partout dans le Néguev, parfois dans les endroits les plus inattendus.  

Un tank vertical à l’entrée de la zone industrielle de Beer Sheva  

Des lignes parallèles dans la petite ville de Yeruham

Un autre alignement de pierres servant de porte d’entrée à la région de Nitzana.

La réputation d’Ezra grandit avec le temps. Je suis un grand fan. J’ai la plupart de ses livres (toutes les photos en noir et blanc et les deux lettres publiées dans ce post proviennent de son livre  Sculpture in the Solar System, publié aux éditions Sifriat Poalim en 1985), et il m’arrive souvent d’emmener nos hôtes faire un tour de ses travaux.  

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